Le commando d’élite israélien qui était chargé de l’assaut de la flottille turque en route vers Gaza en mai de cette année, a donné au programme Panorama de la BBC un accès exclusif aux données sur l’opération.
Certains des membres des forces spéciales israéliennes ont enlevé leurs passe-montagnes pour m’adresser la parole et pour me montrer les blessures qu’ils ont subies pendant la nuit où 9 personnes furent tuées et 50 blessées à bord du navire turc le MV Mavi Marmara.
« Je vis un couteau dans mon abdomen et le retirai », a déclaré le Capitaine R. « Le battage était continu – ainsi que les acclamations ‘Allah Akbar’. »
Des vidéos israéliennes montrent comment le Capitaine R., un membre du Commando Marin 13, fut battu à coups de barre par des activistes et comment il fut ensuite poignardé et jeté sur le pont inférieur. Qui a ouvert les hostilités entraînant les morts sur le bateau, est une question férocement contestée.
Le Mavi Marmara était l’un des 6 navires d’une coalition de groupuscules pro-palestiniens qui transportèrent des activistes à travers les eaux internationales à 80 lieues (130 km) de la côté israélienne, le 31 mai de cette année.
J’ai reçu un accès exclusif au Commando Marin 13 pendant un de leurs entraînements, semblable en taille et en dispositions à la situation sur le Mavi Marmara. Je pris le large avec eux, dans un des Zodiacs qu’ils appellent « les brunettes », dans le cadre d’entraînements en vue de nouvelles flottilles.
La Free Gaza Flotilla fut organisée par le Free Gaza Movement et par le groupe turc appelé « la Fondation pour les Droits de l’Homme, la Liberté et l’Aide Humanitaire » (Foundation for Human Rights and Freedoms and Humanitarian Aid (IHH)).
La violence à bord du Mavi Marmara a été largement condamnée. La Turquie a rappelé son ambassadeur en Israël et annulé tous les exercices militaires conjoints, exigeant des excuses et une investigation internationale.
Israël a annoncé récemment qu’il allait participer activement à l’investigation sur les morts, menée par l’ONU, mais est occupé par sa propre enquête dans laquelle il défend les actes de ses commandos. Ces derniers insistent sur le fait qu’ils étaient en danger et qu’ils subissaient une attaque sévère lorsqu’ils ont ouvert le feu. Les représentants turcs déclarent cependant que des autopsies ont montré que les commandos ont tiré 30 balles sur les 9 activistes morts, dont un a reçu 4 balles dans la tête.
Le Lieutenant A était parmi les commandos en mer qui tentèrent de s’approcher du Mavi Marmara à 4h30, après que le Mavi Marmara avait ignoré les 5 mises en garde de la marine israélienne et qui, selon leurs dires, se firent chasser par des hommes armés de tuyaux à eau et de barres de fer qu’ils avaient découpés de la rambarde.
« Ils tenaient des barres métalliques et tambourinaient sur la rambarde, » dit le Lieutenant A, « ils jetaient des pierres, des objets en métal et des gravats qui blessèrent plusieurs des soldats. »
Le Sergent Y fit partie des commandos qui descendirent de l’hélicoptère sur le pont du bateau. Il dit : « Les activistes attachèrent la corde à l’antenne du bateau. C’est très, très dangereux puisque nous devons mettre les pieds à terre, au risque de faire une chute de 15 à 20 mètres. » Les commandos coupèrent la première corde et descendirent par une corde de l’autre côté de l’hélicoptère.
J’ai aussi parlé à des activistes turcs à Istanbul.
Après avoir été blessé, le Capitaine R et 2 autres commandos blessés furent portés dans le bateau par Murat Akinan, un bénévole de l’IHH, où ils furent déposés à côté des autres morts et blessés. « Je comprenais bien ceux qui disaient ‘nous devrions leur faire ce qu’ils nous ont fait », raconta Akinan. « Mais je les calmai en disant que, selon notre croyance, nous devions les soigner et les rapporter sur le pont. »
Peur de mourir
Le Capitaine R a dit qu’il a eu peur de mourir : « Je me rendais compte qu’il y avait deux forces opposées, l’une qui voulait nous tuer, l’autre, plus modérée, tentait d’éloigner ceux qui voulaient faire escalader la situation et en finir avec nous. » Le Capitaine fut emmené en haut – craignant d’avoir été pris en otage. « Mon garde fut touché par un pistolet paralysant et s’encourut à l’intérieur, » a dit le Capitaine R. « Je vis que j’étais seul, sautai dans l’eau et attendis que notre bateau vienne me chercher. »
Les commandos israéliens arraisonnèrent plusieurs bateaux dans le but de vérifier s’il y avait des armes à bord à destination de Gaza, qui est sous le contrôle du groupuscule palestinien Hamas. Le Hamas renie le droit d’exister à Israël et ses militants ont lancé des milliers de roquettes sur le territoire israélien, sur des cibles civiles, ces dernières années. Israël a installé un contrôle strict sur tout ce qui entre et sort de Gaza, que ce soit par mer ou par terre. Il déclare que le blocus est nécessaire pour empêcher que des armes entrent dans Gaza. Les Palestiniens, eux, disent que ce blocus leur cause beaucoup de souffrance et qu’il empêche toute forme de vie économique, et qu’il est largement critiqué comme forme de punition collective.
Cependant, l’IHH n’est pas connu que pour son travail humanitaire. Les autorités occidentales et Israël ont accusé l’organisation d’avoir des liens terroristes, accusation fortement réfutée par l’IHH. L’organisation a défendu l’utilisation de barres de fer, de chaînes et de couteaux par ses commandos. « La situation a dégénéré au-delà de la résistance passive parce que les Israéliens se mirent à nous tirer dessus dès le début, » a déclaré Bulent Yildirim, président de l’IHH. « Nos gens n’ont fait que de se défendre. »
Les Israéliens disent entretemps qu’il est impossible de descendre d’une corde d’un hélicoptère et d’utiliser une arme à feu en même temps. Les soldats n’ont d’ailleurs utilisé d’armes à feu que lorsque les activistes leur tiraient dessus ; avant cela, ils utilisaient des armes anti-émeute.
« Nous avons des preuves évidentes d’au moins 4 cas où nos opposants ont utilisé des armes à feu, » a dit le Général Major Giora Eiland, qui a mené l’investigation dans l’affaire. « Dans certains cas ils ont utilisé des armes qu’ils avaient volées de nos soldats – dans au moins un cas ils ont utilisé une armé à eux : nous avons trouvé des balles et des obus que l’IDF n’utilise pas. » Il a encore déclaré que l’utilisation de la vraie munition par les commandos était bien justifiée mais qu’on avait « commis des erreurs » dans les renseignements et le planning. « Ces gens étaient venus pour tuer et pour être tués, » a-t-il déclaré. « Vue les circonstances compliquées d’un bateau, les résultats – les morts – sont étonnamment peu nombreux. » Giora Eiland dit que l’IHH a réussi sa mission d’attirer l’attention du monde vers le blocus de Gaza. « Malheureusement, ils ont réussi à faire exactement ce qu’ils voulaient : ils ont provoqué Israël dans le but de montré les morts causées par Israël, » a déclaré Eiland, « De ce fait, Israël est vu comme un utilisateur de force excessive et devient le coupable de tout. »
Le Commando Marin 13 continue à s’entraîner dans le cas de nouvelles flottilles – qui sont attendues cet automne.
La bataille de la Méditerranée est loin d’être finie.
Panorama: Death on the Med, BBC One, Monday 16 August at 2030 BST