Y aller ou pas ?
En 2008, j’ai été invité à passer un été de recherche en neurosciences à la fois par l’Université hébraïque de Jérusalem et l’Universtié palestinienne Al Quds (Jérusalem-est et Cisjordanie). En tant qu’Egyptien, on m’a inculqué une grande prudence à être en relation avec des Israéliens ; jamais il ne me serait venu à l’esprit de me rendre en Israël. D’autres Egyptiens et probablement d’autres personnes issues du monde arabe ressentent la même chose. Quelques amis en Egypte m’ont conseillé de ne pas m’embarquer dans un tel séjour « immoral ». Pour beaucoup en Egypte, mettre un pied en Israël reste impensable, quel que soit l’objet de la visite. Mais les professeurs palestiniens que j’ai consultés n’ont fait aucune critique : ils m’ont encouragé à visiter Israël. Mes amis aux Etats-Unis n’ont émis aucune critique non plus, et j’ai réalisé que plusieurs Américains et Européens ayant visité Israël tenaient des propos variés quant à la politique israélienne, tout en discutant ouvertement de leurs opinions avec des Israéliens.
Plus j’y pensais, plus je réalisais que, indépendamment du point de vue que mes amis et moi pouvons avoir sur la politique israélienne, la possibilité d’acquérir une expérience scientifique dans un établissement de recherches renommé relevait d’une question distincte, et à peu près au moment de la date limite pour la décision, j’ai accepté l’invitation de me rendre en Israël.
Séjour en Israël
Après avoir atterri en Israël, en passant les douanes israéliennes et la sécurité, j’ai eu quelques instants d’inquiétude. Mais mes trois mois en Israël ont été scientifiquement et socialement enrichissants. J’ai passé la plupart de mon temps à l’Université hébraïque de Jérusalem et l’Universtié palestinienne Al Quds mais j’ai aussi visité de temps en temps l’Université de Haïfa. La ville et l’université de Haïfa se composent d’importantes populations juives et arabes, et les deux groupes se mélangent plus souvent qu’à Jérusalem.
Au tout début, l’Université hébraïque m’a aimablement aidé à obtenir un visa pour ma visite. À l’Université hébraïque, j’ai appris quelques techniques scientifiques sur des modèles animaliers de la maladie de Parkinson grâce à l’aide généreuse du Dr Boris Rosin. Les professeurs de l’Université hébraïque étaient très enthousiastes à mon égard en tant que collègue. Je les consulte encore sur de nombreuses questions ouvertes et sur des projets de recherche dans le domaine de la maladie de Parkinson, projet pour lesquels les neuroscientifiques de l’Université hébraïque jouent un rôle-clé international.
Ma vie sociale en Israël comme en Cisjordanie a également été enrichissante et éducative. J’ai visité de nombreuses régions d’Israël avec mes voisins arabes de Jérusalem, dont beaucoup étaient des étudiants à l’Université hébraïque. J’ai également été invité à plusieurs reprises au domicile des professeurs pour le dîner du Shabbat et des rencontres sociales, et j’y ai toujours été bien accueilli. Au nombre de ces occasions, je me suis senti plus apprécié que les gens qui visitent des pays européens, peut-être à cause de mon origine égyptienne.
Recherche scientifique
Les universités israéliennes produisent un niveau de recherche scientifique comparable à celui observé dans les pays occidentaux. Les institutions scientifiques israéliennes sont en constante expansion. Par exemple, l’Université hébraïque construit actuellement un nouveau centre névralgique de recherche scientifique valant plusieurs millions de dollars, et engage un plan de recrutement des meilleurs chercheurs du monde entier. Des scientifiques de renommée mondiale venant d’Italie, des Etats-Unis, d’Allemagne, du Canada, du Japon et de beaucoup d’autres pays sont constamment en visite ou invités aux conférences d’universités israéliennes. Israël tient de nombreuses réunions scientifiques annuelles auxquelles les chercheurs de divers pays assistent. Les étudiants de nombreux pays européens mènent leurs études supérieures en Israël. Beaucoup d’universités israéliennes ont conduit ou contribué à l’avancement de disciplines allant de la recherche biomédicale à l’agriculture ou l’ingénierie.
Il est triste que les pays voisins ne participent pas à ces activités. Il ne fait aucun doute que les institutions scientifiques et les chercheurs israéliens souhaiteraient recevoir la visite de chercheurs arabes pour collaborer avec eux. Il s’agit d’un jeu global gagnant-gagnant pour les deux parties, même s’il était plus bénéfique pour les chercheurs arabes. Les pays arabes ont besoin d’une interaction plus scientifique avec le monde extérieur, y compris avec Israël.
Après avoir acquis la science et l’expérience de la recherche mondiale auprès des universités israéliennes, les chercheurs arabes pourraient certainement représenter des atouts importants pour leur pays d’origine.
Il est également utile d’inviter des scientifiques israéliens et des chercheurs à participer à des conférences et à donner des conférences dans les pays arabes. Des scientifiques israéliens sont fréquemment invités à donner des conférences dans les universités importantes en Europe et aux États-Unis, souvent même en reconnaissance de leurs réalisations scientifiques, pour y donner des exposés liminaires lors de conférences annuelles. Des scientifiques israéliens rencontrent, toutefois, des difficultés à assister à des conférences dans les États arabes. Ne devrions-nous pas profiter également de ces esprits ? L’expérience israélienne dans l’avancement des sciences est un bon exemple à suivre pour les pays voisins, étant donné les similitudes géographiques et environnementales.
En Israël, j’ai visité à plusieurs reprises la Cisjordanie et de nombreuses villes arabes du nord d’Israël, tous étaient aussi chaleureux et heureux de ma visite. Beaucoup d’étudiants et des professeurs de l’Université Al Quds m’ont aussi accueilli comme un collègue, et avec eux, j’ai visité Bethléem, Ramallah, et d’autres villes palestiniennes. Presque tous les Palestiniens que j’ai rencontrés ont immédiatement reconnu mon origine égyptienne dès que j’ai dit un mot en arabe. C’est parce que beaucoup de Palestiniens et autres Arabes, ont grandi en regardant des films égyptiens, et sont très familiarisés avec le dialecte arabe égyptien. Ces moments ont été agréables.
L’Université Al Quds en Cisjordanie a de nombreux projets de collaboration scientifique avec l’Université hébraïque, bien que ces dernières années, la collaboration n’ait pas été aussi forte. J’ai visité quelques laboratoires à l’Université Al Quds. Par exemple, le Dr Mukhles Sowwan, un Palestinien de Jérusalem, a obtenu son doctorat de l’Université hébraïque, sous la supervision d’un professeur israélien, et est revenu en Cisjordanie pour lancer un laboratoire de premier plan en nanotechnologie à l’Université Al Quds. Le laboratoire du Dr Sowwan est enviable pour de nombreuses raisons et on ne peut s’empêcher d’espérer que d’autres scientifiques dans le monde arabe suivront l’exemple de M. Sowwan’s. Pourquoi les Arabes n’étudieraient-ils pas dans les universités israéliennes ? Comme le Dr Sowwan, pourquoi les Arabes n’auraient-ils pas des professeurs israéliens comme mentor et ne deviendraient-ils pas des chercheurs indépendants apportant leur propre contribution à l’entreprise scientifique mondiale ?
Pour beaucoup dans le monde arabe, le mot Israël suscite seulement des pensées politiques. Toutefois, il est important d’apprécier l’infrastructure avancée de la science en Israël et de reconnaître que, quel que soit son opinion politique, la collaboration scientifique avec Israël est non seulement possible mais aussi potentiellement bénéfique pour l’Égypte et d’autres pays arabes.
Ahmed Moustafa, PhD, est chercheur au Centre Neuroscientifique Moleculaire et Comportemental, Rutgers University, Newark, NJ
Gardons les pieds sur terre. Ce monsieur considère que les Arabes ne doivent pas renoncer à profiter des avantages que les infrastructures israéliennes (universités, centres de recherche, etc.) peuvent leur apporter. Pour autant, il se garde bien d’admettre la légitimité d’Israël. Ses considérations restent purement d’ordre pratique, matériel et social.
Par ailleurs, on pourrait souhaiter une collaboration judéo-arabe dans d’autres domaines que l’utilisation de « modèles animaliers » dans la recherche médicale, cette pratique cruelle et immorale qu’il serait temps d’abolir. L’expérimentation animale est un crime.
Tout à fait d’accord ! Notons en outre qu’il évoque Al Qods et qu’il se garde bien de nous donner le moindre renseignement sur le quotidien des Israéliens, juifs ou arabes, ni des « Palestiniens ».